Déconstruire la toile est inévitable. Il faut peut-être y lire l’incapacité sous-jacente à exprimer la notion de paysage au seul moyen de la peinture. Comme si celle-ci, aujourd’hui, ne pouvait rivaliser avec la photographie, le cinéma ou la vidéo dans l’expression d’un paysage.
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Découdre, c’est décomposer, désagréger, disloquer ; la fulguration du geste qui l’implique s’oppose à la quiétude offerte dans la couture. Dans un coup de dé-couture [1] se mettre en péril, introduire le délabrement, la déconfiture.
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La découpe suit scrupuleusement le patron préalablement dessiné : il s’agit de s’extraire du paysage, morceler la figure, la rendre méconnaissable, la dé-figurer pour ne plus l’identifier ; s’en affranchir pour mieux s’identifier.
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La découpe peut aussi s’échapper du modèle comme dans l’expérience menée actuellement avec « En Chemin ». Les traces de mes pas dans la matière picturale sont détourées avec les ciseaux qui du coup peuvent acquérir une certaine liberté de fonctionnement, l’audace du crayon. Aucun questionnement sur le devenir des morceaux de toile que je découpe ne vient préoccuper l’esprit au moment du faire. Le geste est facile e se déploie en toute liberté ; il semble pouvoir s’approcher de celui qu’effectuerait Matisse pour ses gouaches découpées.
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Je brasse des lambeaux de toiles comme j’embrasse des moments de paysage. Le démantèlement de la toile correspond à une volonté de fractionner l’unité perceptive que pourrait constituer l’Etre.
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La destruction est une prise de risques, mais couper n’est pas désunir ; l’instinct créateur est plus fort. (...) Les fragments seront recyclés. La pratique s’auto-dynamise dans cette dialectique de dissociation et de fusion.